Je suis Kalipoïète
Je suis voix qui s’élève
Enrichie par mes transes
Dans les vapeurs de mon premier inipi
Ma mère m’a ceint la taille
D’une robe de femme
Symbole de puissance
Munie d’une nouvelle force
Dans le creux de mon ventre
Je fais taire mon dos
Sa sublime souffrance
Je cultive la femme
Guerrière qui avance
À l’Ouest je rencontre
L’aigle aux plumes royales
Mon allié pour voler
M’éloigner de mes cendres
Je le suis dans les airs
Je glisse sur le vent
Lui confie ma douleur
Mon ventre plein d’absence
Et mon dos trop bavard
Caisse de résonance
Mais la douleur qui dort
N’est pas vraiment absente
Puisque je peux voler
De la terre des vivants
Au pays des ancêtres
Je vais leur envoyer
Ma douleur-poupée
Je vais leur laisser Jeanne
Et revenir vaillante
Et revenir soignée
Mais Jeanne qui prend naissance
Me regarde trébucher
Voler n’est pas jouer
L’aigle aux ailes sublimes
Doit savoir marcher
Sur la terre des vivants
Chercher son équilibre
En toute humilité
Et doit trouver une ancre
Quand monte la marée
De la tristesse immense
L’apprentissage est là
Dans la communauté
C’est elle qui me maintient
Debout au bord des cendres
C’est elle qui tient ma main
Me regarde trembler
M’aide de sa confiance
Gardienne du feu sacré
Je suis celle qui dompte
Ses vagues d’émotions
Qu’elles déferlent ou débordent
Me voici digne
Dressée
Le passé à l’Orient
Sur le seuil du Levant
Je tourne le dos à l’Est
Je lance ma poupée
Les flammes la transpercent
Elles crépitent
Me redressent
Me soulèvent
Me délestent
Je fais un nouveau pas
Sous les yeux de mes mères
Dans le chant de mes sœurs
Florence Sophie Sonia
J’accomplis ma mission
Sous la voute céleste
Sous le regard d’Orion
Je retourne dans le ventre
De notre mère la Terre
Je transpire et je chante
Je me fonds
Je me serre
J’accueille visions messages
En écho aux prières
Je rencontre mes grands-pères
Si je croyais devoir
Laisser le mâle en moi
Pour devenir cette femme
Que j’ai du mal à être
Ils m’invitent de leurs voix
À redevenir entière
Homme et femme à la fois
Je noue mes deux lignées
Pour les réconcilier
Incarner comme femme
L’autre fécondité
Celle que les grossesses
Expulsent dans le néant
Qui engloutit vorace
Les désirs les talents
Dont ont été privées
Celles qui m’ont précédée
Pour avoir enfanté
Quand les hommes me demandent
De leur prêter ma force
Pour consoler en eux
Le guerrier la prêtresse
Et que la branche d’Adam
Elle aussi se redresse
C’est encore avec vous
Que mes deux genres se nouent
Au rythme des tambours
Dans le chant des ancêtres
Ils ne sont pas nos tombes
Nous vivons de leur souffle
Et devenons ensemble
La pulsation du monde
Je suis Marie-France
Je suis Kalipoïète
Je suis celle-qui-console
Je suis celle-qui-enfante-
Des-paroles-de-fête
Najac, 17 septembre 2024