Au commencement était le verbe
À chaque commencement est la femme
La femme-mère qui s’arrondit
Pour porter l’Homme
Comme la Terre
Donner naissance
Donner la vie
La femme est digne par nature
Car par amour elle s’échine
À prendre soin
À consoler
À cajoler
À faire grandir
Elle ne ploie pas sous le fardeau
Même si vous la voyez courbée
Mais comme la lune
Se fait berceau
Elle se penche sur l’être choyé
De toute son attention aimante
Elle sait endurer les souffrances
En restant debout
Redressée
Promenant au faîte de sa fierté
La calebasse d’eau ou de lait
Cueillir
Faire cuire
Remplir les ventres
Des petits et grands affamés
Donner le sein au nouveau-né
Par nature
Elle paye de son corps
La parturiente est déchirée ?
Parfois
Lorsque sort de son antre
De son sein chaud
Le nouveau-né
Mais il y a une autre béance
Qui discrètement la fait saigner
Pensez-y
Lorsqu’elle donne naissance
Son coeur qui en abritait un autre
Endure la séparation
Dès que l’on coupe le cordon
Il est privé
Il est bancal
Cette rupture bien naturelle
Pour elle n’est pas qu’ombilicale
C’est le ciel qui lui a donné ce rôle
De femme-mère
De nourrisseuse
Et le droit de signer les ventres
Mieux que d’une croix :
D’une étoile !
Afin que l’homme garde en mémoire
Qu’il entre au monde par la femme
Certains en restent fascinés
Parfois toute une vie durant
Et passent leur temps à admirer
Cette petite étoile sur leur ventre
Cherchant la femme qui l’a laissée
Émerveillés et ignorants
Pas méchants
Juste ridicules
Comme ces sots dans le proverbe
Qui ne contemplent que le doigt
Alors qu’il leur montrait la lune
Si ces derniers sont satisfaits
Ils ne sont pas majoritaires
Il fallait faire quelque chose
Pour que la dignité de l’homme
Soit reconnue
Et singulière
Hé !
L’homme est porteur de semence !
Ce qui parfois le rend très fier
D’ailleurs il fait de la semaille
Assez souvent
Toute une affaire…
ais Dieu soucieux de l’équité
Comme dans tout le règne animal
A voulu rendre l’homme aux yeux
De toutes et tous
Phénoménal !
Il lui a donné des épaules
Des bras solides
De belles couleurs
Il fait le beau et il parade
Et pour notre plus grand bonheur
Use de sa force
Quand le sauvage
Le temps
Ou tout autre péril
Nous fait trembler
Mettant en gage
Notre vie qui tient à un fil
Si ces ignobles conditions
L’obligent à la brutalité
Nous ne pouvons nous y fier
Pour statuer sur son esprit
L’homme n’est pas dénué de finesse
t si certains sont brutes épaisses
Sans aucune autre qualité
La plupart sont pleins de tendresse
Doués d’une conscience élevée
J’en connais qui sont maternels
Fiers
Responsables
Durs
Solides
Mais quand la vie leur est adverse
Ou que l’heure du repos arrive
Déposent la fierté et les armes
Savent faire leurs épaules toutes petites
Pour dans le douillet d’une femme
Poser la tête et se blottir
Bien sûr ce sont des archétypes
Les chromosomes nous le rappellent
Et l’expérience s’en fait l’écho
Il y a en chacun de nous
Un peu des deux
Un peu de tout
Un peu d’ours
Et un peu de louve
Un peu d’attaquant
Et d’enfant
De doux rêveur
De séducteur
De défenseur
De survivant
Ce sont les versants de la vie
Qui nous font forts ou dépendants
Dans cette histoire qui est à vivre
On prend le masque
On fait semblant
Mais parfois des querelles vives
Jaillissent de tristes événements
Qui ne sont pas exceptionnels
Et quand bien même le seraient-ils
La faute ne serait pas moins grande
Gyné- Géno- Homi- Infant-
Toujours le -cide s’attaque au faible
À la faiblesse de l’instant
Pas celle du genre ou de la race
C’est à l’humain qu’on fait offense
Qu’on fait défaut
Que l’on fait honte
Lorsqu’on s’attaque à son semblable
Que la surprise ou la posture
Nous a présenté vulnérable
Alors on peut argumenter
Et réclamer l’égalité
Qui est un leurre
Pour nous berner
Grâce à la technologie
Aux pas de la civilisation
La femme est partout dans la vie
Au bureau et
À la maison
Parfois sans gagner les deniers
Que l’homme engrange à même effort
Alors qu’elle a les hanches belles
Et porte pantalon sans bretelles
Coutumière de l’adversité
Biologique ou culturelle
Elle fronde
Elle avance
Elle conquiert
Et là où il n’y avait qu’il
Désormais elle veut son elle
Les mythes m’ont donné une chaise
Et le kasàlà une voix
Alors aujourd’hui je l’élève
Pour entrer dans ce débat
Que l’on a fait orthographique
Et voici quelle est l’invite :
« Tiens ! Il reste un « e »
Le voulez-vous ? »
La femme futile
Chacun le sait
Adore ornements et bijoux
« Oh oui très cher
Posez-le là…
Après le mot dont on me sort
Après le point
Ah ! On me voit ! »
Très peu pour moi
Le .e ?
Je n’en veux pas !
Je ne prends pas comme un honneur
Cet appendice
Ce surcroît
Ce « e » devenu surnuméraire
Faute d’avoir su accorder
Féminin et participe passé
Où que nous mènent nos combats
Nous serons toujours mères
Fécondes
Portant des hommes dans notre sein
Je laisse au genre masculin
Bien symboliquement porter
Le féminin dans le sien
J’y fus
J’y reste
Je m’y sens bien
Je n’aime pas qu’on freine ma lecture
Lorsque je ne vois aucun gain
Pire
Le risque de perdre une rime
Pour un « e » de perlimpinpin
Non !
D’autres batailles m’animent
Celles qui concernent le genre humain
Le respect de l’autre qu’elle ou qu’il soit
Que je sache le rencontrer
Avec les yeux de l’Ubuntu
Et la voix noble du Kasàlà
Quelle que soit sa sexualité
Sa préférence
Qu’il choisisse le genre qui lui plaît
Moi ?
Je reste Marie-France
Prénom double
Bien mélangé !
À l’image de ce que je suis
À l’image de ce que nous sommes
Hétéro Homo Homme Femme Bi
Aucun motif d’entrer en guerre
Investissons ces énergies
Voraces
Mordantes
Inamicales
Dans des valeurs moins séculières
Ce poing dressé avant le e
Comme un fanion
Me fait scandale
Car il ne fait pas avancer
Vers ce monde idéal
Où homme et femme seraient liés
Par le désir d’aller ensemble
S’aimant
S’aidant
Se complétant
Dans une posture verticale
Ensemble construire l’édifice
D’une humanité bienveillante
Équitable
Différente
J’ai parlé
Je me tais
De peur qu’on ne me dise fol
Je replonge ma plume dans sa fiole
Merci de m’avoir écoutée